Effectuer une intervention suite à un appel signalant la disparition d’une personne âgée. Arriver sur les lieux, aller à la rencontre des pompiers qui annoncent que la vieille femme a été retrouvée. Malheureusement, sans vie. L’espace d’un instant, nous nous retrouvons projetés dans ce que fut son quotidien quelques heures plus tôt. Je ne sais pourquoi, en voyant l’intérieur de cette demeure aussi figé, chaque objet bien rangé, à une place déterminée, je me serais cru dans un musée. C’était à la fois chaud et rassurant, comme lorsque l’on s’enveloppe dans un plaid et que l’on se love au creux de son fauteuil favori. En parcourant chaque pièce du regard, mes yeux se sont machinalement posés sur le montant de la porte d’entrée. Deux feuilles y étaient scotchées. Sur chacune, un mot écrit à l’attention de la défunte. L’un deux était bref, mais délicat. Il semblait refléter à la fois toute la fragilité de la dame, mêlée à une sorte de poésie rendant l’instant paisible. « S*, n’allez pas dehors lorsque que le temps est triste et sombre. C’est dangereux ». Je suis restée bêtement à le lire plusieurs fois. Je me suis surprise à mettre l’un de mes collègues dans la confidence en lui disant : « tiens regarde ce mot, c’est joli comme c’est écrit, on dirait un poème ». Nous sommes restés plusieurs minutes devant ces courbes manuscrites, oubliant qu’à côté, tout un petit monde s’activait à mettre le corps dans la housse mortuaire. Le morceau de papier m’a interpellé, tant dans la forme que dans la symbolique. Ce jour-là, le temps était triste et sombre. Notre pauvre vieille dame a été retrouvée figée, dehors. « N’allez pas dehors…C’est dangereux ». Je ne vous parlerai même pas d’ironie du sort.
